L’entrepreneuriat culturel semble prendre un élan considérable en Guinée avec la multiplication des agences de production et de management qui pullulent çà et là à Conakry en particulier. Salutaire et encourageant dirait-on, mais ce phénomène laisse perplexes bien de professionnels que ne voient pas de vrais enjeux et d’opportunités véritables pour les artistes eux-mêmes et pour le secteur en général. En bref, si tous les artistes deviennent producteurs et managers qui viendra encadrer les carrières et quand est-ce que ces désormais promoteurs culturels auront-ils le temps de s’occuper de leurs propres avenirs artistiques ? Autre facteur à prendre sérieusement en compte, n’est pas producteur ou manager qui le veut mais qui le peut.
Ces dernières années, l’on a assisté à la naissance de plusieurs labels dans le monde du showbiz guinéen. Au regard des résultats sur le terrain, cela semble bénéfique pour quelques artistes qui ont vu leur fan base agrandir et leur image remodelé. D’un autre côté, le constat est plutôt alarmant pour d’autres artistes qui se sont vus tirés vers le bas en s’associant avec de nouveaux labels ou en décidant d’évoluer en autoproduction déguisée. De base, le principe est à saluer quand on sait que l’idée est de vouloir se prendre en main et de contribuer à développer la chaîne de production culturelle pour développer la création artistique mais le cas de la Guinée est bien spécifique donc particulier.
Les labels indépendants sont aujourd’hui à la mode et contribuent significativement à faire exploser de nouveaux talents dans le monde, bien que, on a toujours vécu le mariage labels et majors pour le bonheur de l’industrie musicale. Si cela se vit dans les autres pays d’Afrique et d’ailleurs, en Guinée c’est un peu le contraire puisqu’il n’existe presque plus de grosses maisons de production capables de faire ses preuves à l’international faute d’ambition beaucoup trop locale ou de manque de vision à long terme. Ce qui se traduit automatiquement par le fait que chaque artiste souhaite aujourd’hui créer sa propre structure de production pour disent-ils « être leurs propres producteurs et patrons » alors qu’en réalité les choses ne se passent pas comme ça dans la vraie vie surtout quand on sait qu’il y’a des échelons à gravir donc des étapes à franchir dans ce domaine comme tout autre.
La tache noire de ce phénomène de mode est qu’on retrouve aujourd’hui moins d’artistes guinéens dans le carré très prisé et très restreint de l’industrie musicale mondiale, et qui dit rareté de ce côté dit absolument absence de vraies scènes à l’internationale, ce qui est vraiment dommage surtout quand on connait le talent des artistes guinéens. Dans le même registre, on dénombre également un amateurisme pas des moindres sur le terrain en matière de production ou d’organisation de spectacles. Pour revenir aux aspects positifs de cette fuite en avant, c’est aussi et surtout les succès locaux nés à la suite de ce mouvement d’ensemble qui ont permis la découverte de nouveaux talents et les gros concerts 100% made in Guinea qui se multiplient dans le pays depuis peu mais comme on le dit, le vie ne s’arrête pas là.
L’aspect réglementaire étant du ressort des autorités en charge de la culture, il est à ce jour plus qu’urgent de réguler le secteur de la production artistique et événementielle pour non seulement le professionnaliser mais aussi le mettre en valeur afin de favoriser l’équilibre des compétences et le respect du savoir-faire des uns et des autres.
Amadou II BARRY, chroniqueur musique et culture