Comme on aime à le dire, c’est dans les pires moments que l’on découvre ses meilleurs amis. Cette affirmation colle parfaitement à la situation actuelle de l’artiste et communicant politique Souleymane Thiâ’nguel Bah qui vit présentement des heures sombres de sa vie. Hier metteur en scène, scénariste et compositeur du milieu artistique dramatique et urbain, cet homme de culture endure tout seul ses tourments d’exilé politique en France tel un bon samaritain qui se paie les foudres de son âme charitable. D’abord abandonné par sa famille politique, Thiâ’nguel fait face à une dure épreuve d’indifférence et de désolidarisation de ses confrères artistes. Situation tant alarmante que révoltante dirait-on mais triste est d’admettre l’hypocrisie inouïe et la lâcheté très révélatrice qui caractérisent la sphère artistique guinéenne.
Malgré son statut de chargé de communication du principal parti de l’opposition guinéenne, Soulay Thiâ’nguel pour les intimes a été de ceux qui enrichissent la création artistique guinéenne. De la dramaturgie à la mise en scène tout en passant par la composition, ce passionné de culture a multiplié les cordes de son arc pour viser la perfection au théâtre, à l’écriture et à la musique. A son actif, plusieurs œuvres dont les pièces ‘’Romeo et Juliette’’, ‘’Tu m’aimeras’’, ‘’Danse avec le diable’’, la réalisation de clips comme ‘’Bal poussière’’ de Degg j force 3 et ‘’Temai kha fera’’ de Soul Bang’s, l’ouvrage ‘’Les tranchantes chroniques’’ ainsi que la composition de plusieurs titres à succès dont le plus récent ‘’J’aimerais’’ du dernier album du groupe Banlieuz’art, Thiâ’nguel est le responsable politique qui a le plus côtoyé et épaulé les artistes et les espaces de création guinéens.
Pour rappel, Souleymane Thiâ’nguel Bah a été condamné le 9 janvier dernier par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité dans l’affaire de l’assassinat du journaliste Mohamed Koula Diallo en février 2016 au siège de l’UFDG. Impliqué ou pas dans cette affaire, Thiâ’nguel avait droit à un procès juste et équitable qui ne viole aucun principe du droit le plus élémentaire de la présomption d’innocence. Pour sauver sa peau, l’homme a été contraint de s’exiler laissant derrière lui un milieu artistique pauvre de sa plume et dépossédé de cette maîtrise scénique à la Thiâ’nguel. Le centre culturel franco guinéen devient ainsi orpheline des créations de cet astre des arts de la scène et la culture urbaine perd pour sa part le soutien indéfectible d’un de ses meilleurs partisans.
Que dire ou faire face à cette absence qui chagrine toute une génération d’artistes et de fans ? Ce n’est décidément pas les artistes guinéens qui répondront à cette question puisse qu’étant même incapables de s’indigner contre cette injustice à leur égard à plus forte raison militer pour son retour au bercail. Sauf trou de mémoire, l’un des rares artistes pour ne pas dire le seul à s’être révolté contre cette condamnation reste le reggaeman et désormais homme politique Elie Kamano. Ce dernier était passé dans plusieurs médias pour dénoncer cette décision de justice avant d’entamer avec d’autres journalistes des démarches auprès de l’UFDG pour savoir ce qui se faisait pour le retour de l’artiste et communicant politique. Aussi évident que cela puisse paraître, il faut réitérer à qui veut l’entendre qu’avant d’être un homme politique, Thiâ’nguel a d’abord été un homme de culture avéré et confirmé.
Au même titre que monsieur Bah, plusieurs autres artistes sont passés par là et continue toujours de traverser ce sombre labyrinthe. A titre d’exemple, le jeune artiste Tamsir Kartel qui s’était vu également abandonné par ses plus proches collaborateurs durant ces ennuis judiciaires. Triste réalité guinéenne ! A quoi sert donc une proximité si elle ne fait que s’élargir pendant les moments difficiles ?
Alors que des interrogations restent tournées vers ce qui entrave la culture dans son élan de développement, les attentions doivent dorénavant se tourner vers ce manque de solidarité entre artistes à la base car jamais une entité n’a réussi à briller à rang dispersé.
Amadou II BARRY, journaliste culturel